"Non loin de Roetgen, sur le chemin Aix-Trèves foulé pendant des siècles par des pèlerins venant de Roetgen et se dirigeant vers le Steling, Mützenich, Montjoie et plus loin vers le sud.
Le premier document qui en fait mention est une facture payée par la ville d'Aix, en 1338, à "l'ermite dans le bois près du Reinard" pour l'entretien du chemin. Une facture ultérieure, de 1344, indique la somme obtenue par l'ermite, membre des Bégards, pour la reconstruction d'un pont : peut-être le pont sur la Vesdre à Roetgen comme on l'avait toujours supposé, mais plus probablement, suivant ce qu'a fait voir récemment Jean de Walque, un pont qui se trouvait sur la Vesdre au confluent de l'Eschbach, au lieu-dit
''Oude brugge". (Voir à cet effet l'article "Voie des Pèlerins" vers la fin de ce lexique.)
Reinartzhof, mentionné en 1424 comme localité de "St Reynart en Eyffel", fut la propriété des ducs de Juliers depuis au moins le début du 16e siècle et fut détruit, en 1543, lors de la guerre de Juliers, guerre de succession opposant l'empereur Charles Quint et le duc Guillaume de Clèves-Juliers-Berg, mais bientôt reconstruit. En 1550, un certain Leinard de Lontzen reçut (selon le registre paroissial de Montjoie) en tant que chapelain du château de Montjoie, en guise de traitement, "quatre charretées de foin des prairies ducales de Reinhart".
Au cours de la guerre de Trente Ans, Reinartzhof fut à nouveau réduit en cendres et on n'a pas connaissance de l'époque exacte à laquelle il fut reconstruit. On sait seulement, par un document non daté, qu'un maire de Montjoie, Jean Broull, y installa deux petites fermes.
Au commencement du 19e siècle, on trouve mention de deux fermes, la ferme supérieure et la ferme inférieure (en allemand : "Oberreinert" et "Unterreinert").
En 1803, ces deux fermes sont rattachées à la paroisse de Roetgen.
Pendant la Révolution française, les propriétés ducales sont mises en vente : la ferme supérieure est acquise par la famille Kaufmann-Esser et la ferme inférieure par la famille Neicken. Comme la ferme supérieure brûla en 1856 et fut aussitôt rebâtie, ce bâtiment modeste, mais plaisant, peut compter un peu plus de cent ans. La plus ancienne partie de la ferme inférieure, habitée par la quatrième génération de la famille Neicken-Braun qui ne sait rien d'une destruction ou d'un incendie, est donc beaucoup plus vieille encore. Les deux autres parties de la ferme inférieure, situées un peu plus haut, datent de 1915 et de 1937 et ont été bâties sur les fondations d'anciennes constructions.
Après la Première Guerre mondiale, la limite communale fut tracée entre la ferme supérieure et la ferme inférieure, c'est-à-dire suivant le tracé du chemin : la ferme supérieure faisant partie de la commune de Mützenich, la ferme inférieure faisant partie de la commune de Konzen.
A son origine, Reinartzhof n'était qu'un misérable ermitage dont l'occupant, dans la solitude dangereuse de la Fagne, offrait collations et asile aux voyageurs et pèlerins. La nuit et par temps de brouillard, il faisait tinter une petite cloche pour guider les égarés. D'après un document du duc de Juliers et daté de 1515, la cloche fit défaut et le duc sollicita des dons pour la remplacer. Ce fut bientôt fait, mais la nouvelle cloche disparut à son tour au cours des troubles de la guerre de Juliers. Ce n'est qu'en 1556 que l'on demanda de renouer avec l'ancienne coutume et de trouver une nouvelle cloche. On se procura, on ne sait quand, une vieille cloche portant le millésime de 1511. Alors qu'elle n'était suspendue qu'à la branche d'un arbre, elle fut enlevée par le même maire de Montjoie qui bâtit deux petites fermettes à Reinartzhof, et trouva sa place dans une tour de la ville. Quand cette tour dut être démolie en 1831, la cloche fut installée au-dessus de l'horloge de l'église paroissiale de Montjoie, dans une petite construction en saillie au dessus de la rue principale : c'est la plus vieille cloche de la ville et, aujourd'hui encore, elle sonne régulièrement les heures.
Reinartzhof, encore solitaire et situé même de nos jours à l'écart de tout trafic, fut complètement isolé pendant des jours par les tempêtes de neige lors de l'hiver catastrophique au début de 1953, au point que les vivres manquèrent aux habitants. L'un deux parvint à se frayer un passage dans la neige, dépassant par endroits un mètre cinquante d'épaisseur, jusqu'à Schônefeld et à alerter la police d'Eupen. Comme cette commune ne disposait pas des moyens nécessaires pour porter secours, on sollicita auprès du Ministère des Communications de Bruxelles un hélicoptère qui prit aussitôt l'air; atterrissant sur ses larges skis, il apporta des sacs de pains et d'autres vivres à la population angoissée. Plus tard, deux chasse-neige et une équipe de quinze ouvriers dégagea finalement la route vers Reinartzhof.
Les Hautes Fagnes Portrait d'un paysage - Carl Kamp